750 grammes
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Journal d'un passionné de la rive droite
10 novembre 2020

Carpe diem, ultima diem ! cum Morey-Coffinet, Larcis Ducasse, Pontet Canet et Passion de Closiot

C'est évidemment une ode au temps présent, puisque nous ne savons pas de quoi demain sera fait, mais c'est surtout aussi ces rencontres qui me sont chers avec mes amis nordistes.

Je ne disposais que d'une seule soirée pour pouvoir les rencontrer et bien évidemment c'est un déploiement d'organisations qui se crée aussitôt et qui me touche beaucoup. Toutes les conditions voulaient que nous ne puissions pas nous rencontrer, et cependant, tout en respectant le couvre-feu et les six convives espacés d'un mètre nous réussissons à partager quelques plats et de bonnes bouteilles.

 

Nous nous retrouvons chez ma soeur qui dispose d'une vaste salle et d'une grand table. Bernard, Didier, Nathalie, André, ma soeur et moi formons l'hexagone épicurien d'amateurs de gastronomie et de bonne chère.

Les bouteilles sont à l'aveugle, nous savons seulement que les plats sont préparés précisément par celui qui tente de faire découvrir son vin. Il suffit juste de se mettre d'accord sur l'ordre.

C'est ma soeur qui propose l'entrée : ce sont des moules marinières gratinées au maroilles, et je propose un Bourgogne blanc. Le maroilles est dosé avec précision : surtout il est fondu dans le jus des moules et dans le vin blanc. Il apporte ce qu'il faut d'impressions laitières et les moules gardent leur saveur iodée.

L'accord a bien fonctionné, mais hélas, le vin n'est pas à la hauteur de nos espérances. Il est légèrement oxydé, et ce défaut est à mettre au compte de deux déplacements successifs de cave. 

 

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Il s'agissait du Chassagne Montrachet, le 1er cru, en Caillerets de Morey-Coffinet, 2014.

Le nez est nettement marqué de notes vanillées, de fleurs séchées, comme le tilleul. En bouche la tension est remarquable, il est une matière imposante, et on devine un vin dôté d'une riche matière. Les fruits blancs s'expriment tour à tour sur des saveurs de poire Williams, de coing et de peau de pêche. La minéralité dessine une tension saline, haute. Hélas, toutes ses impressions positives sont dans leur finale minées par des sensations d'alcool et de pommes cuites. C'est ce défaut propre à certaines bouteilles de Bourgogne qui fait deviner l'appellation aux convives.

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Mon beau-frère vient à la rescousse avec un Chardonnay du Domaine de La Croix Saint-Jacques. Ce dernier ne présente pas d'amplitude, mais il est propre et bien fait.

Deux vins rouges sont proposés sur un grenier médocain et une terrine de chevreuil.

 

Le premier ne sera pas commenté, il est bouchonné. Heureusement le second est prodigieux. Il nous console.

Il offre un nez de fruits rouges vifs, et de fleurs capiteuses, et l'on pourrait presque reconnaître le papier d'Arménie. La bouche apporte une sensation de fraîcheur immédiate, le goût du noyau de la cerise, le vin est dynamique et place haut ses expressions fruitées, le boisé est subtil, intégré, floral, graphité, et l'on devine le soin apporté à un vin d'une belle facture. La longueur est vibrante, essentiellement sur la burlat et la prune d'Ente, bien violette, bien noire.

Didier suppose Saint Emilion, et le caractère solaire convainc Bernard que nous sommes sur un millésime 2005.

A eux deux et en moins de temps qu'il ne m'en faut pour ôter la chaussette, ils se mettent d'accord pour Pavie-Macquin. Nous ne sommes pas loin, nous sommes à Larcis Ducasse. Cette confusion naît sans doute de l'austérité encore un peu marquée des tanins. En dépit de deux heures de carafage. Bref, un vin magnifique et qui ira très loin.

 

Grande bouteille aussi que la suivante. Elle est apportée sur les fromages. Elle est dans sa structure et surtout dans l'apport de ses arômes radicalement différentes. Voluptueuse, nantie de cassis, de bourgeon de cassis et fleurs de cassis, quelques notes de tabac qui rappellent à ma soeur celui que fumait notre père et immédiatement je propose Pauillac. Nous y sommes...

La bouche prouve un élevage bien mené, un fruit intense et juteux et la finale est expressive longtemps. D'ailleurs c'est le sureau, avec son côté plus sauvage, plus sous-bois qui se manifeste. Nous sommes donc sur un millésime frais, probablement moins mûr que 2005. 

A ce stade de la dégustation, l'ensemble de la tablée préfère Larcis-Ducasse. Pour ma soeur et moi, c'est très discutable, car le Pauillac est enjoleur, plus flatteur et plus séducteur sur le grenier médocain, par exemple. Connaissant bien mon ami Didier, je hasarde Pontet-Canet. C'est lui! Mais je ne devine pas que c'est le millésime  2004. 

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Enfin pour clore, Bernard apporte un far aux figues et graines de courge grillées. C'est exquis et avec le liquoreux proposé nous sommes dans une superposition de saveurs incroyable! Je n'en impute pas la cause au hasard. Je sais les goûts de Bernard pour les accords de conformité et pour la subtilité de la sommellerie. Bref, très vite nous sommes convaincus d'un Sauternes. Plus vite encore nous osons proposer Barsac. Nous séchons pour la suite! Nous découvrons un vin méconnu. La Passion de Closiot, 1998

Des notes d'encaustique, d'abricot et de fruits blancs,  et la chair de la banane cuite, se décèlent dès le nez. La bouche est remplie d'ananas et de fruit de la passion. Elle est dynamique, longue et fraîche, avec une acidité réconfortante qui élève haut le vin en terme de vivacité, le rendant aérien, souple et d'un agréable toucher. 

La soirée est une parenthèse de bonheur et je suis comblée. Carpe diem, quam minimum credula postero, mes amis me disent-ils, à l'instar du poète Horace! et ils ont raison.

Isabelle Sériot

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