Isabelle a rencontré Hélène Thibon (Mas de Libian)
Les lecteurs anglophones pourront lire la traduction sur webflakes (Diary of Lover of right bank), avec quelques billets de décalage... Lire h
Mas de Libian : entretien avec Hélène Thibon
I – Présentation du Domaine :
D’où vient le nom de Mas de Libian ?
Libian est le nom d’une gentilhommière, que notre famille a acquise en 1670. Elle vivait en autarcie.
Ce n’est qu’en 1970 que l’on a décidé que l’on vivrait de vin exclusivement.
Nous avons bénéficié d’un don important, d’un ami suisse, pour nous aider à construire notre cave. Et nous avons pu agrandir en 1982.
L’esprit Mas de Libian, c’est avant tout une situation. Nous sommes le plus au Nord des appellations du Rhône Sud. Les parcelles sont situées sud/sud-est et pour les syrah, plutôt plus au Nord.
Faisons connaissance
Vous apparaissez comme étant trois sœurs très unies par le monde du vin. Avez-vous le sentiment d’une complémentarité professionnelle en faveur de Mas de Libian ?
Evidemment ! Quand nous nous voyons, on parle beaucoup ! … Que de vins, bien sûr !
Et de dégustations.
On est toutes les trois dans le vin. Catherine est responsable de labour.
Cécile travaille en Faculté d’oenologie. A l’école de Denis Dubourdieu, et elle fait des recherches pour Yquem.
C’est un réel plaisir que de profiter des apports professionnels de notre sœur. Elle travaille actuellement à Bordeaux, en recherche œnologique. Avec Denis Dubourdieu..
Lorsque nous devons faire face à un problème, elle est souvent celle qui a la réponse.
Nous sommes donc trois familles. Avec des enfants, à qui il faut transmettre la douceur de vivre de ce domaine…
Une de vos cuvées porte le nom de ce poète Khayyam (d’ailleurs vous le citez en première page de votre site). En quoi ces écrits vous fascinent-ils ? Quelles images, quelle philosophie trouvez-vous attachées à ces poèmes ?
La poésie de Khayyam m’était racontée par mon père en guise de conte. Elle a été comme une musicalité qui nous a imprégnées, et nous a accompagnées, tout au long de notre enfance. On a grandi et on a fini par l’aimer. C’est essentiellement son rapport à la religion qui nous a frappé.
Par exemple, Khayyam raconte que Dieu ne veut pas punir, car s’il punit alors c’est qu’il est l’égal de Dieu.
C’est un mystique, pourtant dans la mouvance du carpe diem…
Certains s’accordent à dire que le vin connaît de nos jours une crise. Partagez-vous cette idée ?
Oui, une crise viticole et une crise économique qui se cumulent.
Certaines caves aujourd’hui sont remplies et ne se vendent pas.
Mais, beaucoup de viticulteurs ont le retour du bâton : il y a vingt-cinq ans qu’ils ne font rien ! Ce qu’ils ont fait à leur terre n’est que justice.
C’est une crise qu’on a préparée, elle est arrivée et elle explose.
Dans votre parcours, est-il des figures emblématiques ?
Oui, les frères Alary à Cairanne, du domaine de L’Oratoire Saint Martin… Ils ont nous beaucoup épaulées
Ensuite, le Domaine Chaume-Arnaud, à Vinsobres
Jo Pithon, bien sûr…Lafarges à Volnay et Pierrette et Marc Guillemot, à Viré-Clessé
Nous étions entre vignerons, attablés, autour d’un bon repas où régnait la joie de vivre, de ce type de réunion, où l’on accumule des alignements de bouteilles sans nombre ! Au début, bien sûr, on crache, ensuite un peu moins, on discute toujours et on ne fait plus beaucoup attention. Et puis, on lève un verre, on le goûte et là on s’arrête. Le vin touche au cœur ! Et on se dit qu’on est con de ne pas faire comme cela !
C’était un vin de Guillemot, en biodynamie…
II- Les cuvées : choix des assemblages, la densité, millésime…
Quelles sont les Cuvées ?
Le Cave Vinum : ce nom a été choisi par mon père pour ruser un peu de ces mentions obligatoires imposées par la législation ( l’abus d’alcool est dangereux…)
Il s’agit d’un vin élevé en bois, bois neuf, mais le bois est un contenant, il ne doit pas dominer, il doit apporter une complémentarité. C’est un vin très classique.
Les amers ne sont plus classés comme des défauts depuis peu. Et ceux qui le caractérisent semblent être appréciés des dégustateurs.
Le nom de Bout D’Zan, était le surnom de mon père.
Sur Bout D’Zan : beaucoup de terroirs différents ; c’est le propre de la culture rhodanienne… tout est assemblé ! Les cépages et les terroirs, mais dans l’idée d’un certain vin. Nous on ne se prend pas au sérieux. Lui, c’est un vin tout terrain, de toute l’année. Un tiers élevé en vieux foudre
Khayyam
Chaque année on est sur des versets différents pour les étiquettes.
Pour 2008 : « Une montagne elle-même danserait de joie si on lui versait du vin »
Le Vin de Pétanque : à partir de jeunes vignes : entre 3 et 4 ans.
Et pour l’autre demi-raisin entre 10 et 15 ans
La Calade
Mon mari vient de Grimot, dans le var à côté de Saint Tropez. Ses parents étaient aussi vignerons. Sur un terroir de schiste, avec beaucoup de mourvèdre…
C’est comme par transmission si je mets 90% de mourvèdre dans certaines de mes cuvées ! C’est un peu OVNI pour le Sud de l’Ardèche, mais c’est sentimental.
Quel est le millésime qui vous a le plus marqué ?
Le millésime 2005 !
Au départ, un millésime surdoué ! Une année pas trop précoce, un peu de coulure au printemps, bref, tout est idéal. Le 15 août, prélèvement pour déterminer les dates des vendanges. Trop acide encore. Ph 3.3% et degré alcoolique de 16,5°
On est loin de la maturité, mais les grenaches étaient à 15°
A la fermentation ; le jus se boit comme une cerise croquante, et tout se déroule parfaitement.
Les vinifications se terminent et là nous attendons que la malo se fasse.
Le danger, on le sait, c’est que les vins qui n’ont pas encore fait leur malo, sont sans protection.
Elle ne vient pas : il nous faut alors des bactéries : et nous procédons à un ensemencement à partir des lies des voisins et au final les 2005 ont fait leur malo en 2006 en même temps que les 2006 !!
De fait, il a été commercialisé tout de suite, car il est très caractériel ( il peut aller du très bon à l’infect).
Aujourd’hui, je vous dirai que c’est une bonne surprise ; je ne pensais pas faire déguster du 2005.
Et depuis 2005, on a adopté ce principe. A. Graillot (un grand homme qu’on respecte) a de superbes bactéries bodybuildées. Dès qu’il a fini ses malo, on ensemence nos vins, avec les bactéries qu’on va lui prélever.
On parle de 2007 comme d’un excellent millésime pour le Rhône Sud…
Pour 2007, le millésime, le début de saison a été difficile (petites pluies fines)…
On pensait vendanger en août (vers le 25), mais la météo annonce le mistral à 130 km/h pendant 3 semaines. Alors il y a eu urgence, car les raisins commençaient à passeriller.
A suivre..