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Journal d'un passionné de la rive droite
12 février 2011

Rencontre avec Emmanuel Giboulot (fin)


200811 GIBOULOT1
envoyé par journaldunpassionne. -

1- Domaine Giboulot, un nom, un savoir-faire…

 

* Il semblerait que l’objectif est de façonner des vins dont l’expression de terroir leur apporte beaucoup de personnalité. Authenticité et terroir… le Graal ?

Saint-Romain, comme Saint Aubin, ou Auxey-Duresse, sont des villages qui sont mixtes, blancs et rouges et qui ont pris pas mal d’importance ces dernières années, car les grands blancs de Meursault, Puligny, Chassagne, ont atteint des prix stratosphériques, qui ont beaucoup augmenté ces dernières années. Ce qui fait que des villages plus modestes, mais où on a des terroirs plus intéressants, ont pris davantage de reconnaissance, et sont des vins souvent dans des registres moins opulents que sur Meursault-Puligny. Ce sont des vins qui ont de belles tensions, donc de belles acidités.

 

Les densités de couleur ne sont pas très intenses… Je ne recherche pas du tout les extractions. Les vins restent d’une coloration assez légère en définitive : grand respect du raisin, pas du tout de méthodes extractives…

Le passage au frais a été une réponse à la mode qu’a instaurée Parker…pour obtenir des choses très démonstratives, très pleines, très denses et au final pour une expression de lourdeur. Il y a des vignerons qui ont fait des vins bodybuildés, des vins violets, mais pas du tout en harmonie.

S’il y a la technique, n’oublions pas non plus ce qu’est la buvabilité. Quand on boit de tels vins, dans l’extraction, au bout de quelque temps, on ressent une impression de lourdeur. On n’a pas cette fraîcheur, et aucune envie d’en reboire.

 

Une expérience…

Au cours d’une dégustation, à laquelle participait Benjamin Leroux, des meilleurs barolos, ce dernier nous rapporte en sus cinq super toscans, stars de la Toscane. Ils sont superbes !

On poursuit la séance autour d’une table et on finit les barolos…

La soirée étant finie, on constate que pas un seul des Toscans n’avait été fini. Un magnifique modèle mais dont personne ne voulait pour le plaisir.

Mais on sait que ce n’est pas parce que le vin a une couleur légère que le vin est léger. C’est une erreur aujourd’hui communément admise. On a une déviation ces dernières années sur ces considérations de couleur, qui ne sont que les fruits d’une technique.

Beaucoup de vins, partout à travers le monde, aujourd’hui sont faits dans cet esprit là. Ils se ressemblent d’une année sur l’autre. Les caractéristiques du millésime sont lissées.

Je ne suis pas dans cette approche. Je cherche à faire plutôt dans la vitalité. Je ne cherche pas à être dans le côté matière, mais plutôt dans le côté vertical - si le côté horizontal, serait celui de la matière.

 

* Chaque millésime doit être différent et doit avoir sa personnalité.

C’est ce qui m’intéresse…

Quand on goûte un millésime différent on a des émotions différentes, on a des références, on va imaginer des choses, on va les rechercher…

C’est plus intéressant, plus ludique d’avoir ce qui traduit bien le millésime…d’avoir ce qui est le reflet d‘une année avec ses difficultés. L’émotion est dépendante de cela!

C’est aussi pour cette raison que j’accepte d’avoir une année qui ait une acidité plus marquée. Si on ne fait pas d’acidification, on ne fait pas de désacidification non plus !

 

* Aucun apport extérieur, donc ! Mais pour autant, soufrez-vous, Recourez-vous à la chaptalisation ?

On a essayé de s’affranchir d’un maximum d’apport exogène.

Toutefois, je reste très attaché à la stabilité du vin, à son caractère précis. Donc, j’utilise quand même le soufre. Mais, il n’y a pas d’autres intrants qui arrivent dans le vin.

Pas d’enzymage, pas de levurage, pas de tamisage…

Je suis dans la recherche de réduction du soufre…

Donc il me faut chercher une stabilité par ailleurs…car il n’empêche que le soufre est aussi un élément qui apporte une certaine stabilité dans le vin, et une certaine pureté. Pour réduire ce soufre, les éléments de stabilité du vin doivent être trouvés ailleurs.

 

 

* Quels sont vos choix en matière de procédés de vinification ?

Elevage en fût ! Par contre on a arrêté les fûts neufs. Car on fait un travail qui est important dans la vigne et, dans la jeunesse, le boisé va dominer une partie de la finesse. Il va y avoir dans la jeunesse une part de cette subtilité qui va nous échapper. A partir de 2001, j’ai renoncé aux fûts neufs. Plutôt des fûts qui ont connu deux vins voire trois vins

D’ailleurs, un fût de cinq ans peut-être encore boisé. Acheter des fûts d’occasion, c’est toujours plus difficile que d’acheter des fûts neufs : car les gens peuvent toujours vous dire que ce sont des bons fûts, et quand on met le vin dedans on se rend compte que ce n’est pas forcément le cas. Alors, parfois, ça complique les choses… il faut prévoir une traçabilité.

Mais le fût est intéressant pour la micro-oxygénation. Et puis pour le contenant.

228l/300 bouteilles, un petit volume et la forme est intéressante. Contenant qui me convient bien.

On a arrêté le bâtonnage.

On ne remet pas en suspension ces lies, pour laisser plus de pureté, pour plus de minéralité et être moins dans le démonstratif.

 

 

* Préférez-vous travailler les blancs ? les rouges ? Cela dépend-il du millésime ?

J’ai mis un moment pour comprendre – mais le chemin n’est pas terminé (rires) - le monde des blancs.

Les rouges quant à eux, quand j’ai commencé, étaient beaucoup plus éloignés de ma compréhension qu’aujourd’hui.

Depuis quelques années, j’ai un peu plus compris de choses sur les rouges… je suis plus à l’aise aujourd’hui sur les rouges que je ne l’étais il y a cinq ans. Mais c’est un chemin.

Le chemin est long, mais plus on avance plus on comprend des choses de l’ordre du subtil, qui sont de l’ordre du ressenti, et que l’on a peut-être du mal à expliquer.

J’ai un exemple. Je travaille depuis des années avec un ami, œnologue, qui vient prélever des échantillons tous les jours pour analyser au cours des vendanges, puis des vinifications. Cet œnologue avec lequel je travaille – Bruno – me rejoint tous les jours. Donc vers les six heures, six heures et demi, on se retrouve à la cave…on discute…Son expérience est antérieure à la mienne…

En 2005 il me dit : « Tu sais… » et, il me donne des généralités sur le millésime : « Tu sais, il ne sert à rien d’attendre, tu devrais décuver… ». Je lui dis d’accord, mais je n’avais pas envie de décuver, donc je ne décuve pas. Se passe. Il revient et me dit : « Ca m’ennuie de te le dire, mais tu as eu raison de ne pas décuver »

Les événements prouvent que j’ai raison sans qu’on se l’explique. Là, on se rend compte que l’on n’arrivait plus à se comprendre. Mais ce qui compte c’est le résultat : le chemin que je suivais était le bon.

 

* Qu’est-ce que les différents millésimes ont permis dans votre Domaine ?

2002 a été une année difficile… inondations, et événements très difficiles, notamment en août… Pour qui a pu attendre, on a eu une belle période en septembre, une très belle maturité et un millésime qui a été sauvé par ce beau mois de septembre.

2004, année difficile pour la Bourgogne. A l’image des 2008 (j’ai vendangé le 4 octobre).

Là, en 2004 vendange, le 1er octobre. Ce sont les deux seules fois, depuis que je fais le vin, qu’on vendange en octobre.

Pour le millésime 2003, dans les Hautes-Côtes, zone un peu plus fraîche que les autres, je suis en rupture avec ce qu’on connaît des 2003 en Bourgogne…

On est de plus en plus confrontés à des années type 2003. On a une grande maturité en sucre qui est atteinte, mais on n’a pas la maturité phénolique. Donc, on peut vendanger plus tôt, afin de préserver l’acidité. Mais, par contre de fait vous aurez des « choses » qui sont « vertes », si on est trop loin de la maturité phénolique, on est trop éloigné d’un équilibre qui dépasse les 8°. Là, c’est un choix de vignerons…Doit-on récolter plus tôt ?

Au 15 août en 2003, certains vins étaient à 14°… Et tout a été très vite…

On a vu des choses intéressantes… -sur lesquelles on n’a pas beaucoup d’explications aujourd’hui, mais…Certains vins dont l’acidité, après fermentation alcoolique, a remonté. C’est un truc que nous avons constaté et que l’on n’a pas su expliquer. La maturation phénolique est un élément extrêmement important pour la stabilité d’un vin : mais il faut développer une certaine capacité d’imagination pour gérer des millésimes comme ceux qui nous arrivent…

Sur 2003, sans rien faire, certains s’en sortent très bien.

 

Isabelle

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