Merci patron! repas n° 3
Il y a des moments de grand luxe dans la vie d’un agent secret. Pas toujours voulus bien sûr. Mais nous devions, XY 33 et moi-même nous réfugier dans les plaisirs pour oublier le danger et dissiper l’ombre de la mort. C’était précisément le cas, comme nous étions sur le territoire d’un service secret ligérien.
Dès le troisième soir, sitôt notre Citröen Xzara Picasso Stratocuiser B37 sur la piste du Centre des opérations, tous nos communiqués transmis par téléscripteur au « Tonneau », nous nous attelions à la tache éprouvante des accords mets/vins. Rien ne devait dépasser le domaine du possible. Question de survie. Nous retenions nos souffles devant nos verres et nos assiettes…
Menu 3
Petits ramequins d’œufs de caille à la truffe
Civet de biche, et filet de sanglier aux poires, chutney d’airelles.
Brillat Savarin
Mangues poêlées, nappées d’infusion de citronnelle à la marmelade d’abricot.
La dégustation du Gazin 1995 s’est close sur ce menu, et il s’est vu accompagné d’un Léoville Las Cases 1994. Le dessert quant à lui s’est décliné autour de deux Sauternes, Rabaud Promis 01 et Clos Haut Peyraguey 2002.
A nouveau, inutile de préciser que nous jouions des coordonnées les plus ajustées : truffe et Gazin ( même si l’œuf de caille lui a fait injure mais on le savait d’avance… et puis nous avions au préalable dégusté la truffe nature dans son plus simple appareil), gibier et Léoville Las Cases. Tous les paramètres étaient réunis dans nos codes sources pour bien fonctionner.
Un Saint-Julien empli des odeurs empreintes de la sérénité des vieilles armoires ; cirage, encaustique, miel, résine et cèdre, comme un voyage baudelairien qui convie au calme et à la volupté. Capitosité des notes enivrantes du tertiaire auxquelles se mêle encore en subtile résilience le cassis. A noter qu’un restant de chutney d’airelles s’est associé au plat.
Des correspondances baudelairiennes en est-il de la suavité de tannins à la douceur de l’olfaction. Finale diserte et profuse d’orange ou de zeste d’orange.
Le vin vibre sur le plat de gibier et l’emporte aisément tout en maintenant une cohésion d’ensemble. Les deux viandes ont été cuites en même temps, selon un principe de cuisson longue et après une marinade de plus de 48 heures. De fait elles se sont finalement alliées dans leurs saveurs, même si le sanglier présentait des caractéristiques plus rustiques et au demeurant plus soutenues en terme de sapidités et plus rudes en terme de textures. Étonnamment, si la douceur du LLC 94 s’associait davantage avec le civet, les cohérences gustatives avec le sanglier se faisaient en contre-balancements pour plus d’expressivité de l’un et de l’autre.
Le dessert fera l’objet de commentaires ultérieurs puisque les deux Sauternes se sont subordonnés à un repas qui leur a été entièrement consacré. (Repas 4)
Zouzou S